Je me surprends à regarder le ciel.
Les yeux rivés sur un point indéfini et lointain, seul un langage silencieux m’unit avec l’air et le sol.
Potentiellement nous ne sommes pas séparés du cosmos, car par essence dans l’Univers enveloppés.
Du fait de notre arrogance et notre égocentrisme, nous ignorons la manifestation d’une forme d’intelligence qui bâtit, répare et travaille sans cesse.
La nature rebaptisée pompeusement « environnement »est la matrice anonyme qui met au monde, maintient, organise et transmute ce qui par nécessité, constitue notre aire d’évolution aussi bien corporelle que mentale. A défaut de comprendre la Nature que nous percevons par le biais de nos moyens habituel, et parce que la pêche de la Carpe à la ligne condense en elle seule une éthique et une philosophie complètes, il faut si nous le pouvons l’interpréter lucidement au moins essayer de la respecter.
Le mouvement d’une feuille dans le vent, le silence dans la nuit, la lumière flamboyante d’un soleil levant sont autant d’écorces révélatrices d’une multitude de formes de vies animales et végétales.
Le sanglier visiteur d’un soir et le lézard visiteur d’un jour nous font oublier un rapport distinct, lié à la dimension et à la force. Tout animal quel qu’il soit, parce qu’il engendre des sentiments, ô combien humains, que sont la peur ou l’émotion teintée d’admiration mérite le respect. Nous qui courbons l’échine sous la pluie battante et le froid sachons aussi saluer le lièvre rapide, le moineau effronté et le rat compagnon solitaire d’une longue journée.
De manière inévitable la démarche d’un Carpiste est liée à de nombreuses ramifications. Laissons vivre et observons. Ce qui a été un jour cristallisé, lourd et stagnant deviendra ouvert et fluide nous permettant d’accéder à la connaissance et à la plénitude.
La roselière bruyante, conciliante sous le vent ne doit pas devenir une muraille percée d’une ouverture béante, vitrine d’une indiscrétion qui nous condamne.
Avant de couper le branche, il est peut être sage de comprendre qu’elle nous fera de l’ombre.
Emerveillés par le mystère d’une forme, respectueux de l’âge présumé d’un géant enraciné, déconnectés de la banalité quotidienne des jungles urbaines par des teintes et des essences rares, sachons écarter le rideau qui nous sépare du lac et de la rivière en choisissant le bras plus que la faux destructrice d’une vitalité ardente. Le lac ce reflet …
Ce qui semble solide en se réchauffant commence à bouger, à s’ouvrir à se libérer.
Ce processus de fonte et de rupture érode peu à peu des résistances qui existent en nous.
La réflexion et la découverte nous dictent un acte prémédité. A la poursuite de la Carpe une partie de nous-même est déjà engagée dans un concept d’une criante vérité qui veut que la pêche que nous pratiquons a pour finalité le sport et non la table.
Parce que l’eau est l’aimant de notre passion, parce que le lac est l’exutoire que nous avons choisi pour libérer ce qui s’agite frénétiquement au fond de nos tripes, parce que la rivière, cette brillante épée qui serpente est le piédestal de la noble activité qui vrille nos esprits, protégeons ce qui nous permet d’entrevoir le mystère et le monde immédiat.
Les plans d’eau sont autant de royaumes dont nous avons les clefs à la seul condition d’apprécier, communiquer, agir et partager.
« Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses » Virgile 489 AV.J.C.
« Frôlant le nénuphar, l’ombre lourde glisse dans l’élément liquide.
Ce mouvement fluide déclenche en nous une poussée d’adrénaline, une sensation aussi fugitive que grisante.
La masse au couleur d’armure vient de quitter un lit de gravier, quelques dressènes et une écrevisse en furent les témoins …
Curieusement, le regard fixé sur cette mémoire du lac je lui donne un âge approximatif comme pour exorciser le fait qu’un autre aurait pu lui donner la mort »
Le paradoxe éclipse souvent dans le monde cosmopolite des Pêcheurs de carpes l’écologie pure.
Quel serait le sens de notre démarche si une fois de plus nous voulions gérer, planifier, organiser au nom de l’ignorance et d’une faiblesse coupable.
Entre le chasseur qui voit et le pêcheur qui devine, entre le geste souvent irrémédiable et geste qui scelle un contact bref mais intense, j’ai choisi.
Naïvement peut être, parce que la Carpe a cette faculté à engendrer le rêve, j’aime garder une image plus que sa vie, conscient du fait que dans une heure, un jour ou une année, elle fera le bonheur d’un autre coureur de berge .
Le no-kill cet anglicisme de deux mots, seulement est représentatif d’un esprit dorénavant ancré dans les traditions modernes du pêcheur sportif. Héritage que nous léguons aux générations futures, laisser la vie est l’acte qui révèle la maturité et la sagesse du Carpiste à la recherche d’une maitrise absolue.
Plus par conviction et non par phénomène de mode, respectons l’animal adversaire que nous tenons au bout d’un fil.
Si la canne est le prolongement du bras, que celui-ci ne soit pas le verrou d’une élévation personnelle, le frein à l’ouverture d’esprit nécessaire à l’accomplissement d’une dynamique flexible propre à l’harmonie des échanges.
Dans un passé récent le sandre rutilant et la brème pesante furent aussi les composantes de journées mémorable.
La tanche dame de bronze antique se devrait d’accompagner en sa demeure d’ORIGINE tous ces poissons victimes éphémères ou compatissants au vu de nos montages, plutôt que d’être transférés en des lieux dont nous ne pouvons garantir l’hospitalité.
La différence entre un lac de barrage et un étang ne sont pas seulement un rapport de superficie mais un monde complexe dont nous entrevoyons qu’une infime partie.
Le respect du poisson c’est aussi garantir que le geste final ne sera entaché par des manipulations ou la sensibilité exacerbée crée la maladresse. Pour qui veut le voir, le chef d’œuvre accompli de tant années de vie subaquatique ne peut que se contenter que d’une caresse douce et sévère, plutôt que d’un marquage quel qu’il soit. S’affranchir d’opposer une marque anonyme de propriété et d’ignorance, du fait qu’aucune carpe est identique à une autre , s’est progresser et compléter des images porteuses du souvenir que la carpe attendait là, seule dans la noire prison de tissu , qu’elle était la sur le tapis qui l’isolait d’un sol inconnu et rugueux, qu’elle attendait un déclic rapide avant une délivrance gagnée d’avance …
Parce qu’au fond de nous sont gravées des sensations si intimes protégeons et soyons les prosélytes d’un comportement qui nous honore au risque de voir au travers de ce qu’on mous a enseigné une distorsion inconnue.
« L’abime appelle l’abime » David. Psaume (XLII)
La pêche sportive de la carpe véhicule un message dans lequel chacun puise ce qu’il veut et exhale des principes dans lesquels on veut bien se reconnaitre.
La seule vérité s’il en existe une est que chacun d’entre nous connait ses limites. Difficile de donner une dimension à la passion. Entre le débutant intégral assoiffé de savoir et avide de résultats, souvent désorienté, et le pêcheur porteur d’un bagage qui lui permet d’éliminer le superflu pour aller à l’essentiel, il y a un monde de sagesse ou se conjuguent recherche, patience et expérience.
En toutes choses qui font vibrer le carpiste existe un cheminement et une évolution qui ouvrent la porte au dialogue, à l’échange, donc à une connaissance à la portée de tous.
Comme l’habit ne fait pas le moine, le treillis ne fait pas le carpiste.
L’investissement de ceux qui se sont rassemblés pour un objectif commun ne peut souffrir d’interférences et de médiocrité.
Sous l’égide d’un club qui porte la responsabilité e la défense de nos intérêts et de notre représentativité se sont associés des hommes et des femmes prêts à agir positivement par respect d’une éthique que l’on nous envie.
Dans la ligne directrice de notre comportement se trouvent des voies qui permettent au nom de la démocratie et de la tolérance de s’exprimer totalement, d’être en phase avec ce qui semble être l’essentiel : le contact humain.
La technique te ce fabuleux poisson qu’est la carpe nous obligent à une saine remise en question. En matière de pêche parce que la solution d’un jour n’est pas forcement celle du lendemain, parce que une infâme bredouille est quelquefois plus révélatrice que le succès et enfin et surtout parce qu’il le faut pour apprécier des points de références, il n’est de meilleur voie que la modestie.
Pour bénéficier de ce qu’on est en droit attendre la convivialité est de rigueur au même titre que le devoir de réserve.
Plus que de l’appliquer aux autres la compétition peut s’appliquer à soi-même, tuant de de ce fait un sentiment mesquin qu’est la jalousie.
La déontologie n’est pas un vain mot dans le vocabulaire des Carpistes. S’installer délibérément sur le poste d’un autre, c’est récolter ce que l’on n’a pas semé. Il n’est point secrets inavouables pour celui, qui dans l’échange gratuit entrevois la progression de son propre challenge. Guidé par des valeurs morales, respectueux de l’individu et de la propriété privé le Carpiste englobe dans son action le principe d’une participation à la vie associative du club qu’il a voulu rejoindre. Fort de cela, volontairement, il s’engage face aux responsabilités qui sont les siennes et combat la chienlit du braconnage, misérable pendant de toutes les pollutions.
Enfin parce que sa passion est plus durable que l’airain il préfèrera aux incantations des intégristes et autre gourous, le souffle du vent, celui-là même qui souffle sur nos têtes.
La bible du carpiste moderne. 1991 – Philippe LAGABBE.
Rien ne calme les passions comme la pêche à la ligne- divertissement philosophique que les sots ont tourné en ridicule comme tout ce qu'ils n'ont pas compris! (Théophile Gautier)